Lettre n° 41 : Le volcan masculiniste
Lettre n° 41 Le volcan masculiniste

Chers amis, chères amies
L’actualité de ces années récentes est marquée par l’apparition d’un masculinisme que l’on pouvait croire dépassé. Aux Etats-Unis, un peu partout en Europe, et aussi en France, avec les mouvements de très jeunes hommes, Incel et MGTOW (Men going their own way).
Ne le croyons pas nouveau dans son contenu, ce masculinisme ne fait que reprendre les prérogatives traditionnelles des hommes dans la plupart des sociétés jusqu’à la moitié du 20e siècle : supériorité « naturelle » des hommes et permissivité sexuelle en leur faveur, défense d’une natalité forte, opposition au droit des femmes à l’avortement, recours inquiétant au féminicide. Aux Etats Unis, un pasteur a même soutenu son opposition au droit de vote pour les femmes… Le pire est que ce masculinisme entend disposer du corps des femmes. Seul leur corps, désirable ou reproducteur, les intéresse. Mais le « sujet femme », il n’en a cure.
Décomplexé, ce masculinisme adopte volontiers un ton autoritaire et sans appel, qui s’accompagne d’une forte défiance envers le droit et ses institutions. L’accusation de « wokisme », fourre-tout des doléances, devient son épouvantail idoine pour ouvrir une lutte qui mobilisera du monde car, dans le « wokisme », les faux pas et les excès ne manquent pas.Comme le dit l’analyste Pauline Ferrari (Formés à la haine des femmes, JC Lattès), c’est une forme de théorie du complot.
Nous sommes donc entrés dans une période de réaction virulente contre les acquis des femmes et des minorités du dernier demi-siècle. L’être masculin veut reconquérir un pouvoir qu’il croit perdu et le fait savoir haut et fort, à la manière d’un volcan qui gronde…
Devant cette lave nauséabonde, devant ce retour du refoulé, comment se situer ? D’abord il faut dénoncer ces dérives inacceptables : « Non, les femmes ne sont pas des objets en libre-service. Elles sont des sujets de droits et de devoirs, comme chaque être humain ».
Rappelons-nous… Hommes et femmes ont été créés libres et égaux, la Bible le raconte dès ses premières pages. Mais l’on remarque plus rarement que le Créateur n’assigne aucune caractéristique de genre particulière à l’un ou à l’autre.
Ce sont les cultures qui ont déclaré : « les femmes sont comme-ci, les hommes sont comme ça ». Les peuples ont cru devoir le dire, selon le bagage biologique des uns et des autres, selon les religions en vigueur, selon les conditions de survie et les contextes politiques du moment. Et c’était sans doute légitime, à une époque donnée.
Aujourd’hui, dans nos sociétés « émancipées », la première question à se poser est sans doute de savoir s’il y a encore une « place » pour les hommes et une « place » pour les femmes.
Dans la militance féministe que j’ai pratiquée, nous étions le plus souvent réticentes à parler de « place », car nous contestions le bien-fondé même du terme. Dans des sociétés démocratiques, il ne doit y avoir de « place » assignée à personne, sauf celle de la compétence, qui s’allie au libre choix et… à l’analyse des possibles environnementaux.
Ce retour de la revendication suprématiste masculine, et par conséquent de l’assignation des femmes, amène à une seconde dénonciation, celle d’un partage des rôles « selon le genre » : « Non, nous refusons « la place » qui reviendrait aux femmes et celle qui reviendrait aux hommes (le plus souvent, c’est « toute la place » qu’ils revendiquent…). Nous la refusons au nom même du christianisme et du judaïsme, autant égalitaires l’un que l’autre, malgré des institutions actuellement psychorigides. Chacun a la liberté de choisir son identité de genre.
Ensuite, il revient de s’interroger sur la manière dont, dans la vie quotidienne, dans toutes nos relations, nous pouvons accompagner la conversion des hommes, investis jusqu’à il y a peu, dans la force physique, le pouvoir, sous toutes ses formes, vers une plus grande liberté dans leurs choix de genre. Car, s’ils ne veulent pas bouger, c’est une guerre des genres qui s’annonce, et qui fera plus de mal que de bien.
Il faut d’abord leur redire que nous sommes avec eux, et non contre eux, dans cette nouvelle ère qui s’ouvre. Je constate qu’un certain nombre d’hommes, souvent des trentenaires, ont résolument fait leurs choix, dans des domaines traditionnellement affectés aux femmes. Par exemple, ils sont éducateurs spécialisés, professeurs des écoles dans des classes de personnes handicapées, hommes sage-femmes (encore peu nombreux) … Certains ont choisi de rester au foyer pendant les jeunes années de leurs enfants, et la plupart s’en occupent de façon bien plus proche que ne l’ont fait les générations précédentes. Ces hommes ont délibérément renoncé au pouvoir et construisent avec leur entourage des relations égalitaires, dépourvues de la séduction qui accompagne souvent la quête du pouvoir.
Peu à peu, se répand en nous l’idée que ce n’est pas déchoir que d’agir ainsi. Attention, cependant, les femmes, parfois, s’installent dans une sorte de vengeance sur le passé. Par mimétisme, nous voyons notre victoire dans le pouvoir nouveau que nous exerçons. Nous n’avons pas à « jouer » notre identité en la plaquant sur celle des hommes, mais à l’inventer librement, dans le jeu des relations humaines. Et nous devons accompagner sans écraser, continuer à valoriser ces choix nouveaux, car ce sont des richesses nouvelles dont nous bénéficions tous.
Et aussi, ne pas croire, naïvement, que la force soit sortie du champ des relations politiques, sociales, personnelles. Bien au contraire ! Mais c’est d’une « force de dissuasion » dont nous avons besoin. Une force de dissuasion qui restera « au coffre ». Et cette « dissuasion par la force » n’est pas que nucléaire. Dans la vie quotidienne, elle existe aussi. Á nous de l’inventer dans le champ de nos relations, pas de toutes, bien sûr.
Enfin, un obstacle sérieux me pose question : c’est la propension de beaucoup de femmes à aimer le pouvoir masculin. Á cause de la séduction ? L’Église catholique est passée maître pour séduire, pour annoncer qu’elle protège, mais pour nier la parole aux femmes… Comment redonner aux femmes l’estime d’elles-mêmes, sans qu’elles aient besoin de la séduction ?
Je m’arrête, consciente de n’avoir qu’effleuré le sujet, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser, mais je dois vous avouer que mon « actualité personnelle » a pris le dessus depuis deux mois. Mon mari est mort le 17 août (voir Facebook), et à mon retour de cure, sans même avoir eu le temps de vider ma valise, je suis partie aux urgences.
Rien de catastrophique, mais je suis hospitalisée et je dois annuler la célébration en ligne que nous avions prévue ensemble. Vous trouverez ci-dessous une autre date, qui devrait être tenue, avec la même équipe, que je remercie pour son soutien amical.
Très cordialement,
Anne Soupa






